L'article
L’IA bouleverse déjà les pratiques des marketeurs B2B. Ils l’utilisent pour accélérer la création de contenu, automatiser certaines tâches chronophages, affiner les buyer personas et optimiser leurs campagnes… mais dans une approche ad hoc, qui tient davantage de l’improvisation que du processus standardisé et bien huilé.
En 2025, l’impact de l’IA devrait naturellement s’amplifier, mais aussi se préciser. Plutôt que l’IA tous azimuts, nous devrions assister à la rationalisation de l’usage marketing dans deux grands volets : le contenu (surtout dans la phase amont) et l’exploitation des données (lacune habituelle du marketeur). Décryptage…
#1 La recherche d’information sur le web « éclate »
La domination de Google sur la recherche reste indéniable. En 2023, les internautes ont saisi plus de 8.5 milliards de requêtes par jour (contre 8.2 milliards en 2022). Plus révélateur encore : 15 % des recherches en 2023 portaient sur des sujets totalement inédits[i], preuve que le moteur de recherche reste le premier réflexe pour trouver des réponses sur le web.
Mais l’IA commence à changer les habitudes de navigation des internautes, dans le B2B comme dans le B2C. Si Google reste solide sur ses appuis, le géant de Mountain View va devoir composer avec une concurrence inédite dans son histoire :
ChatGPT capte une part croissante des recherches B2B grâce à ses réponses synthétiques et rapides (pas besoin de cliquer sur un lien) et sa nature conversationnelle, par le texte et la voix ;
Les moteurs de recherche augmentés par l’IA comme SearchGPT et le projet Google SGE proposent des réponses directement dans la page des résultats, sans avoir à cliquer sur un lien (on en parle ici) ;
La recherche vocale s’installe dans les usages quotidiens, encore plus depuis le lancement de la fonction vocale avancée sur ChatGPT 4o ;
Certains réseaux sociaux deviennent des moteurs de recherche de facto pour les professionnels qui recherchent plutôt des retours d’expérience, des points de vue subjectifs, etc. On parle notamment de LinkedIn, TikTok et Reddit (pour les Anglo-Saxons).
Les marketeurs B2B auront donc du travail sur les trois prochaines années : il va falloir revoir de fond en comble les stratégies SEO et Content Marketing.
Premier chantier probable, dès 2025 : ne pas se lancer dans les batailles SEO perdues d’avance, comme le fait de viser la première position sur une requête ultra-concurrentielle.
Les marketeurs B2B les plus avertis cibleront plutôt des mots-clés de niche, qui génèrent un trafic moins important mais ultra-qualifié. La première place devient alors un objectif réaliste. C’est d’autant plus décisif que dans la recherche vocale, seul le premier résultat est lu par l’IA. Cette stratégie « longue traîne » demande plus de travail en amont et une connaissance pointue de l’activité et de la cible pour identifier les bonnes requêtes. Mais le ROI n’en sera que meilleur.
Deuxième chantier : expérimenter le référencement sur ChatGPT. Pour éviter les fake news et les « hallucinations », ChatGPT fournit désormais quasi-systématiquement plusieurs sources pour chacune de ses réponses aux requêtes complexes.
Aussi, les professionnels sont désormais sensibilisés au risque d’erreur des chatbots et leur demandent systématiquement d’inclure les sources de leurs réponses. Les marketeurs devront faire en sorte que le blog ou le site web de l’entreprise figure parmi ces sources pour gagner en visibilité.
#2 Création de contenus : la place de l’IA dans le processus s’éclaircira en 2025
L’IA a déjà transformé la manière dont les marketeurs produisent du contenu, en particulier dans l’amont avec la recherche et la documentation, des tâches traditionnellement chronophages dans le B2B.
En 2025, l’IA continuera d’être mobilisée pour synthétiser rapidement les études techniques et transformer des dizaines de pages en quelques points essentiels. Elle analysera également des tableaux complexes pour en dégager des tendances et des insights, une fonctionnalité très utile pour les marketeurs qui ne sont pas à l’aise avec les données.
Par définition, l’IA restera fondamentalement un outil de reformulation qui ne crée rien de nouveau. Il faudra toujours un « créatif » pour piloter l’avion. Encore aujourd’hui, ses productions sont parfois facilement identifiables : style mécanique, répétitions des mêmes idées sous différentes formes, absence de positionnement marqué, etc. La limite est encore plus flagrante en français, car on alterne entre un style académique et robotique un peu lourd et des tournures qui trahissent leur origine anglophone.
Comme nous l’évoquions dans notre article sur les 3 grandes tendances marketing B2B à surveiller en 2025, les décideurs montrent un certain engouement pour les contenus authentiques, avec notamment des retours d’expérience qui assument les difficultés et les échecs, des contenus qui montrent les limites et les risques d’un produit ou d’une façon de faire, des prises de position provocantes, etc. Sur ce type de contenus, l’IA intervient uniquement dans la forme.
En 2025, la place de l’IA dans les process de création de contenu va s’éclaircir (vs. l’approche ad hoc actuelle) : on mise sur l’IA dans la recherche (en plus des sources de documentation habituelles) et dans la forme (recherche de punchline, trouver un mot)… et on réinvestit le temps gagné dans ce qui fait la vraie valeur d’un contenu B2B qui fonctionne : l’expertise pointue, les insights, les données inédites, le ton authentique, voire conversationnel.
#3 L’IA comblera en partie les lacunes « Data » des marketeurs B2B en 2025
Selon Gartner, la majorité des marketeurs (51 %) ont des compétences Data « largement inférieures à la moyenne ». La conséquence est évidente : les données générées par les campagnes marketing sont généralement sous-exploitées.
En clair, on ne fait pas parler les chiffres, et la roue de l’amélioration continue ne tourne pas, avec un impact direct sur le ROI de la fonction marketing et la performance commerciale de l’entreprise.
En 2025, les marketeurs B2B pourront s’appuyer sur l’IA pour combler cette lacune. ChatGPT a récemment lancé la version bêta de sa version « o1 », dotée d’une capacité analytique avancée. De son côté, Anthropic permet à ses utilisateurs de tester son nouvel outil analytique depuis fin octobre, avec la possibilité de générer des graphiques simples à lire à partir de données brutes.
Le marketeur B2B augmenté par l’IA pourra donc :
Mieux travailler le ciblage des annonces en analysant les patterns comportementaux des leads qui se convertissent le mieux afin d’identifier des segments d’audience similaires et affiner les critères de ciblage ;
Travailler ses tests A/B en générant des variations intelligentes de contenu basées sur les performances passées (plutôt que des tests aléatoires ou basées sur l’intuition) ;
Identifier rapidement les segments d’audience qui sous-performent ou surperforment pour ajuster les investissements quasiment en temps réel ;
Détecter automatiquement les anomalies dans les KPIs (chute brutale des conversions, hausse des coûts…) pour réagir plus vite ;
Générer des tableaux de bord synthétiques qui mettent en avant les principaux leviers d’amélioration, avec des recommandations pratiques ;
Prédire le potentiel de conversion des leads entrants en croisant leurs caractéristiques avec les données historiques ;
Analyser automatiquement les mots-clés et les formulations qui convertissent le mieux pour optimiser les campagnes ultérieures.
#4 L’IA en 2025, ce sont aussi des points de vigilance
Les audiences averties ont développé une aptitude à repérer instantanément les textes massivement générés par l’IA, car le style est caractéristique : une même idée répétée trois fois avec des paraphrases, aucune prise de position marquée, des expressions typiques qui reviennent en boucle (« il est crucial de », « il est essentiel de », « se distingue par », « naviguer dans », etc.
Plus grave encore : certains textes générés par l’IA sont en réalité un plagiat complet de contenus qui existent ailleurs sur le web. Le risque est double : une pénalisation parfois irréversible sur Google (baisse drastique de la visibilité du site) et une perte de crédibilité de la marque auprès de ses cibles.
Les géants du numérique prennent le problème au sérieux. Google est très probablement en mesure de détecter et de pénaliser certains contenus grossièrement générés par l’IA, comme l’explique cette enquête terrain réalisée par Originality AI.
N’oublions pas enfin la problématique des droits d’auteur, une question épineuse dont s’est saisi le Sénat. Qui est propriétaire des contenus générés par l’IA ? L’utilisateur ? Les créateurs du chatbot ? Les auteurs dont les textes ont servi à l’entraînement de l’IA ? Sans cadre légal clair, la prudence est de mise.
[i] https://www.sortlist.fr/datahub/reports/statistiques-google/