L'article
Pourquoi les marketeurs B2B dépensent-ils autant en outils ?
Des outils, encore des outils, toujours des outils. C’est le slogan qui semble animer les marketeurs depuis quelques années, avec une appétence inédite pour les solutions de la MarTech. À l’origine de cette surconsommation technologique, des frictions et un malaise. Décryptage…
Les chiffres dithyrambiques du marché de la MarTech
Accélérer ou automatiser l’exécution de certaines tâches, rationaliser la prise de décision en limitant le recours à l’intuition, améliorer la brique de la « connaissance client »… les outils MarTech ont tout simplement bouleversé la pratique marketing depuis le milieu des années 2010.
Aujourd’hui, près d’un tiers des budgets marketing est dédié au stack technologique marketing, alimentant un marché qui bat régulièrement ses propres records :
- Selon une étude Emergen Research, le marché de la MarTech pèse aujourd’hui plus de 245 milliards de dollars ;
- Son taux de croissance annuel moyen est estimé à 44,4 % entre 2021 et 2030. En somme, le marché double de volume tous les 27 mois.
Cette performance dithyrambique s’explique par plusieurs variables :
- Prise de conscience des décideurs des opportunités que présente un bon stack technologique marketing ;
- Après la transformation digitale, les décideurs doivent désormais négocier le virage de la rationalisation de la décision. Selon Gartner, 65 % des entreprises du B2B devraient achever leur transition d’un modèle de décision basé sur l’intuition à un processus entièrement Data Driven à l’horizon 2026 ;
- L’émergence d’un acheteur B2B qui exige une expérience fluide et personnalisée, à l’image de ce qu’il retrouve dans son quotidien de consommateur B2C ;
- La puissance du branding des principaux acteurs de la MarTech ainsi que le dynamisme impressionnant de leurs départements R&D ;
- L’absence d’une stratégie d’entreprise cohérente, formalisée et unifiée dans l’investissement technologique, qui conduit à la multiplication archaïque des outils ;
- Le « malaise » du marketing dans le calcul du ROI. Développons ce point.
MarTech : l’investissement « compulsif » pour palier le problème de la mesure marketing ?
Malgré la crise sanitaire qui a conduit à des coupes budgétaires voir au gel de certains projets d’investissement, plus de 66 % des marketeurs B2B ont continué à investir dans leur stack technologique en 2022 (Dun & Bradstreet).
Ainsi, 8 entreprises sur 10 utilisent plus de 5 outils MarTech « structurants », et 30 % utilisent entre 11 et 20 outils MarTech « majeurs ». En moyenne, le marketeur B2B mobilise 7 outils MarTech chaque semaine, contre 3 en 2018. En miroir, seuls 2 % des marketeurs B2B des secteurs de la Tech et des SaaS prévoient de réduire leur stack technologique à moyen terme. Cette surconsommation technologique interroge. Plus qu’une volonté de « rester dans le coup », elle traduit des frictions et des dysfonctionnements côté marketing. Synthèse…
1- La surconsommation alimentée par le tâtonnement
Selon la « Replacement Survey » du média MarTech, 67 % des marketeurs changent au moins un outil marketing « central » chaque année, avec le plus souvent un changement de fournisseur.
Ce turnover impressionnant touche majoritairement les outils de Marketing Automation (24 %), les plateformes d’emailing (23 %), les outils de Business Intelligence (19 %), les solutions Data (17 %), les CMS (17 %), les outils SEO (16 %) et les solutions de gestion des événements virtuels et des webinars (16 %).
Les décideurs expliquent ce tâtonnement par la recherche de meilleures fonctionnalités (51 %), un prix plus intéressant (23 %) et une meilleure intégration avec les outils utilisés en interne (19 %).
2- Le casse-tête chinois du calcul du ROI des actions marketing
Selon une étude signée 93x et Finite, plus de la moitié des marketeurs B2B des secteurs Tech et SaaS reconnaissent leur incapacité à mesurer l’impact de leurs actions sur les revenus générés par l’entreprise, et seuls 8 % se disent capables de mesurer le ROI avec précision.
Cette friction dans l’attribution marketing est sans doute le premier moteur du marché de la MarTech, dans la mesure où les marketeurs semblent répondre à ce malaise par la multiplication des outils plutôt que par des actions structurelles.
La difficulté de la mesure marketing dans le B2B s’explique par plusieurs variables :
- Le mandat relativement court des CMOs, avec des organisations souvent chamboulées à chaque turnover ;
- Le manque d’intégration des outils utilisés dans l’entreprise, avec des données disparates et des cassures dans la chaîne d’attribution marketing ;
- Le lenteur et la longueur du cycle de vente dans le B2B. Le parcours d’achat peut en effet s’étaler sur plusieurs mois, voire plusieurs années ;
- L’absence d’un professionnel chargé des opérations marketing.
3- Les budgets marketing sont repartis à la hausse en 2022
Dans une année de reprise, les entreprises ont alloué davantage de fonds au marketing et aux Sales. Selon une étude Mention x Livestorm, 68 % des marketeurs B2B ont vu leur budget augmenter de 35 % en moyenne entre 2021 et 2022. Cette hausse semble profiter aux dépenses MarTech au détriment des recrutements, de la formation et de l’unification de la Data.